L'histoire de Vieux-Condé

Vue aérienne de Vieux-Condé

Monument funéraire du duc de Croÿ  Cimetière de Vieux-Condé

Le canal du Jard

Pierre-Joseph Laurent 1713-1773 

Henri de la Tour d'Auvergne  vicomte de Turenne 1611-1675

La chapelle Notre-Dame des Affligés

Jules Beaulieux

 La tourelle du soldat Jules Beaulieux

Emmanuel de Croÿ-Solre 1718-1784

1824-1826 

création de la maison communale

Bénézech de Saint-Honoré

La mairie actuelle inaugurée 

le 13 juillet 1958

Vetus Condatum... C'est ainsi qu'on nommait Vieux-Condé autrefois, en particulier en 1215.
Sur ses pentes, celles qui conduisent, par exemple à l'écarlate (cote 34), à la Solitude (37), à Copiémont (42),
des hommes ont dû vivre, à l'âge de pierre.
Auxquels succédèrent des Nerviens et ensuite des Romains, dont la présence fut attestée par la découverte en 1778, de monnaie du 3ème siècle. Vieux-Condé devint, en effet, très tôt zone d'habitat tant il présentait d'excellentes conditions d'implantation : voisinage de la forêt nourricière, du fleuve et des étangs poissonneux, légères éminences défensives...
À la fin du 3ème siècle, il subit l'invasion des Germains conquérants, que suivirent les Francs vers 406 et 451. Du 6ème au 9ème siècle, déjà bien constitué grâce à l'exploitation d'un sol propice, il passa sous diverses dominations. En 843, il faisait partie du Royaume de Lorraine. Mais, en 870, un partage le destinait à Charles-le-Chauve, Roi de France. En 882, les Normands le ravageaient. Vers 1174, il était malmené par le Comte de Hainaut, qu'avait outragé Jacques d'Avesnes, seigneur de Condé.
À la fin du 11ème siècle, Vieux-Condé fut compris dans la Seigneurie de Bailleul qui, avec la Seigneurie du Château, se partageait Condé. Réunies en 1559 entre les mains de Marie de Montmorency, veuve de Charles de Lallaing, ces deux seigneuries échurent, au début du 17ème siècle, aux princes de Croÿ-Solre, qui les gardèrent jusqu'à la Révolution, et dont la sépulture, au cimetière de Vieux-Condé, est comme un grand Livre d'histoire.
Entre-temps, Vieux-Condé, c'est-à-dire la Seigneurie de Bailleul, avait été possédée par la Maison de Condé-Moriamez (13ème-14ème siècles) et celle de la Hamayde (15ème siècle). Les deux seigneuries précitées mouvant de Leuze, le sire de ce lieu recevait plusieurs livres tournois, vers 1300, pour l'exercice de la justice à Vieux-Condé, tandis qu'en 1302, Catherine de Leuze cédait une part du terrage, qu'elle percevait sur des terres sises au village. En 1304, Philippe-le-Bel et l'Armée française, en route vers Tournai, franchirent l'Escaut à Vieux-Condé. Au 14ème siècle, à Condé un ru (ruisseau) détaché de l'Escaut s'en allait le rejoindre vers Vieux-Condé. Ce ruisseau a donné naissance au canal du Jard, dont le nom est peut-être dû à d'encombrant gravier. Aménagé dès 1729, le canal contribua grandement au dessèchement de la région. Et, en 1773, l'ingénieur, Laurent de Bouchain, songea à le faire prolonger. En 1478,      
Louis XI gagna Vieux-Condé pour y participer à un office. Il y fonda même une messe à célébrer journellement.

Un plan de 1562 situait le long du « Chemin de Tournaye » et aux abords orientaux du village le Moulin du Vieux-Condé. Au 16ème siècle, parmi des redevances, les occupants des « Prés le Comte », à Vieux-Condé, d'environ               6 hectares devaient la moitié de la récolte, à transporter à la grange seigneuriale.
En 1645, Vieux-Condé était dévasté par la guerre : des 60 maisons que le village comprenait, 6 ou 7 seulement restèrent debout. En août 1655, avant l'éphémère reconquête de Condé, Turenne passait l'Escaut à Vieux-Condé. Un an plus tard, quand Louis XIV s'emparait, à son tour, de la cité de Josquin des Prés, le quartier général de son armée était installé à l'ouest de Vieux-Condé. Et c'est, de nouveau, sur ce territoire, que le parc de l'Artillerie Royale se déployait, en 1676.
En 1692, un tremblement de terre secouait Vieux-Condé. Les basses terres du pays se trouvaient complètement inondées en 1693, à la suite d'incessantes pluies. En 1745, un autre séisme, ayant Lisbonne pour épicentre, effraiera encore les Vieux-Condéens. On rapporte, qu'à cette occasion, une fontaine se mit brusquement à jaillir à Cerfontaine, près du Mont-de-Péruwelz, qu'on baptisa d'ailleurs « Fontaine de Lisbonne ».
                     Au siècle suivant, plusieurs violents phénomènes naturels affecteront davantage Vieux-Condé.                                                          Nous en narrerons, prochainement, les méfaits.
La paix de Nimègue, en 1678, consacra le retour définitif de Vieux-Condé à la France. D'abord incorporé à l'Intendance de Flandre, il était rattaché au Hainaut en 1780. L'examen de plans datant de cette époque révèle, qu'aux environs de l'église actuelle, s'étendait le Fief du Sénéchal, que l'emplacement de l'ancienne Mairie était entouré par le franc-alleu du Petit-Antoing (propriété affranchie de toute redevance) et que la Cense de l'Écarlate a bien transmis son nom au lieudit connu. Le territoire de Vieux-Condé était alors coiffé, vers Copiémont, d'un « menu bois »,          joli probablement.
Une carte de la seconde moitié de ce 18ème siècle montre que la Chapelle Notre-Dame des Affligés s'élevait à l'intersection des Chemins du Rieu de Condé et de Tournay et qu'une autre chapelle était dédiée à Saint Jacques sur la rive de l'Escaut, aux confins occidentaux du village. Le document note, en outre, l'existence d'une sablonnière ouverte au nord de la Solitude tandis qu'au Rivage du Sarteau, s'allongeait l'imposant « quai des Houillères ».
Il est des noms dont la résonnance oblige à la halte. Le Sarteau est de ceux-là. On rappellera donc, sans plus attendre, que le Pont en fut illustré, en mai 1940, par l'héroïque conduite du Caporal Jules Beaulieux, descendant d'une famille de mineurs d'Anzin.
Le Sarteau est un des lieuxdits de Vieux-Condé, dont la richesse vaudrait une longue étude approfondie. En voici un pâle reflet sous forme de quelques lignes conjecturales. Il semble que Choque - traduction normano-picarde de souche - soit suffisamment explicite. Cornétiaut doit signifier un petit coin, sinon un carrefour. Copiémont pourrait sortir de cupa, copel, et former une espèce de pléonasme, puisque la racine désignerait déjà une cime, un monticule. Quant à Sarteau, lui-même, il provient sans doute de sartare, qui veut dire sarcler, défricher...
En 1751, Emmanuel de Croÿ faisait construire la route de Condé à Vieux-Condé. Cette année-là fut comme l'an I vieux-condéen, non que les « consuls entrassent en charge », mais parce que les efforts des Castiau, issus de la région carolorégienne, aboutissaient - l'historien de la houille du Journal l'a relaté - à la création de la « Fosse des 3 Arbres ». En 1781, le grand bâtisseur que fut Emmanuel de Croÿ dotait Vieux-Condé du Pavé du Tourniquet, alors que l'importance du village s'affirmait de plus en plus. Et quand, en 1789, François-Ferdinand de Croÿ présidait l'ordre de la Noblesse aux États-Généraux, Vieux-Condé comptait déjà plus de 2.500 habitants, contre environ 300 en 1645.
Si l'on admet qu'en 1789 la population de nos régions avait, en général, doublé par rapport à celle de la fin du 17ème siècle, pour que l'axiome s'applique à Vieux-Condé, il faut bien imaginer l'influence d'un facteur particulier à ce lieu. L'ouverture de la « Fosse des 3 Arbres » - mentionnée plus haut - et de ses suivantes répond évidemment à cette inquiétude de l'esprit.
Malgré la cherté du transport par bélandres, qui prohibait l'emploi en Cambrésis du charbon de Vieux-Condé, cette « Fosse des 3 Arbres » fut, en effet, le point de départ de l'extension de la cité.
Le 30 juillet 1787, un formidable ouragan soufflait sur Vieux-Condé, occasionnant de nombreux dégâts. Le plan du siège de Condé en 1793 fait voir qu'une « innondation qui se forme tenant les eaux à Tournay » pouvait couvrir toute la partie sud de Vieux-Condé. En 1794, le village devenait Vieux-Nord-Libre, nom qu'il sera autorisé à abandonner par décret du 8 octobre 1810. En 1797, malgré le retour de la Terreur, de nombreux pèlerins continuaient à se rendre à Bonsecours.
En 1806, les 389 maisons de Vieux-Condé abritaient 3.133 personnes. Le 18 février 1807, une violente tempête déplaçait une telle quantité de neige que les maisons en furent masquées jusqu'à 5 et 6 pieds (1m60 à 2 m). Les cadavres de plusieurs Vieux-Condéens attardés dans la campagne furent retrouvés le lendemain, ensevelis. Cette même année 1807, le voltigeur François Cuvelier perdait un membre, au cours des guerres de l'Empire.
En 1813, Vieux-Condé versait 164f.21 au titre du secours de 30 c. par myriamètre accordé aux mendiants-voyageurs. En 1814, on évaluait la superficie du village à 1092 Ha et la « Concession des mines de Vieux-Condé » employait 769 ouvriers dans les rangs desquels se trouvaient les futurs pionniers de Denain, Escaudain, Abscon... qui iront, dès 1829, prêter leurs bras et leur expérience à l'industrie extractive naissante : les Faux, Degaugue, Vandrepotte, Lebon, Renard, Descamps, Dupire, Lannoy, Surmont, Dubuisson, Montuelle, Dréville... Autant de noms patronymiques, pour la plupart forgés en Belgique et francisés à Vieux-Condé.
D'Abscon à Fresnes, pour bien des gens qui empruntent le « Chemin de fer d'Anzin », la douane symbolise Vieux-Condé. Ils étaient huit préposés en 1814, portant chapeau français, gilet blanc, habit croisé et pantalon verts. Les boutons de leur uniforme étaient gravés des mots : Douanes Royales.
À ceux qui, en majorité, avaient été soldats de l'Empire, cette inscription ne parut pas incompatible avec le coup de feu, qu'ils ne manquèrent point de faire, en 1815, contre l'envahisseur. D'autant qu'ils savaient, peut-être, que lesdites Douanes avaient été effectivement organisées par une loi de 1791. Mais ils ignoraient que le 7 mai 1822, un terrible orage éclaterait au-dessus de Vieux-Condé, et que des grêlons de la grosseur d'un œuf de poule y détruiraient toutes les récoltes et blesseraient même des habitants surpris par la violence du ciel courroucé.
Du village, dont les armoiries rappellent qu'aux 12ème et 13ème siècles les possesseurs de la seigneurie de Bailleul portaient « l'écu à une fasce », une chronique de 1825 rapporte que les terres étaient devenues fertiles, parce qu'on avait bafoué le préjugé repoussant « toute espèce d'engrais comme contraire à la végétation ». Alors, ajoute-t-on, le territoire de Vieux-Condé, s'il produit peu de blé, donne abondamment du seigle, de l'avoine, du colza, des pommes de terre, du lin très fin. Qui plus est « avant l'établissement du monopole », il produisait, avec succès, de bon tabac. Et les exégètes de surenchérir en rappelant qu'autrefois Vieux-Condé n'était « qu'un pauvre sable terreux et ingrat, en grande partie inculte ».
Le monopole de la préparation et de la vente du tabac, dont il vient d'être parlé, est celui que visent une loi de 1674 et principalement le décret impérial du 29 décembre 1810. Car, c'est surtout en l'An VI que la guerre provoqua, dans nos régions, la culture intensifiée du pétun sinon de « l'herbe sainte ». Et ce, jusqu'en 1814.
Dès 1828, un établissement de forge et boulonnerie était installé à Vieux-Condé : prospère, il fabriqua un moment des appareils de soutènement pour les mines. Vieux-Condé, au sous-sol qui contribua éminemment à l'essor du Valenciennois, continue de nos jours sa tradition d'avant-garde en occasionnant la décentralisation -amorcée en 1954- de l'industrie automobile nationale. Celle-ci, émanant de la banlieue parisienne, y transfère certains de ses services.
Au 18ème et au 19ème siècle, la densité des fosses de Vieux-Condé était si grande, que le centre du village, en particulier au nord-est de l'église actuelle, apparaissait comme un gruyère, ô combien riche de substance et générateur de prospérité.
En 1837, l'antique pays embryonnaire qu'avait été « Condé le Vieux » s'était mué en une petite ville de 3.865 habitants, qu'allait désoler, en 1837, une épidémie « varioleuse » atteignant plus de 200 sujets, dont la majorité avait été fort heureusement vaccinée par les soins de la Compagnie des Mines d'Anzin. Parmi les Vieux-Condéens non-vaccinés, 7 succombèrent. Ce fléau fit l'objet d'une savante communication sur la vaccine de Monsieur Castiau, médecin, à la Société des Sciences de Valenciennes.
En 1842, Vieux-Condé en expansion continue, accusait une population de 4.386 âmes. Son octroi, créé avant 1809, avait produit en 1840, pour les « consommations de toutes sortes » la remarquable somme de 2.762 F. Le receveur principal en était M. Decout, cependant que le Bataillon de la garde nationale était commandé par M. Castiau.
En ce temps-là, on envisageait la construction du Chemin de Condé à Tournai, via Vieux-Condé, en raison des pavés qui y existaient déjà, et le maire était M. Bénézech de Saint-Honoré, conseiller d'arrondissement, gendre du vicomte Du Buat, Lieutenant-colonel du génie. M. Bénézech, esprit très ouvert, se livra à des expériences sur l'hydraulique. En outre, protecteur des Arts et des Lettres, il fit don, en 1852, à la ville de Valenciennes, de son musée et de sa bibliothèque. Cette dernière, riche de 4.500 pièces comprenait des ouvrages et des manuscrits de valeur. Des rues à Vieux-Condé et Valenciennes rappellent le souvenir de cet ancien maire.
La translation de Wiers (Belgique) à Vieux-Condé, des restes de l'illustre Famille de Croÿ était opérée en 1845. Alors, les lieux-dits l'Écarlate (les fermiers en étaient-ils « vestus » de tissu décoré de sceaux ou les bâtiments de l'exploitation étaient-ils d'un rouge vif ?) et Rieux-de-Condé se trouvaient plantés de moulins, dont six signalaient encore plus ou moins timidement, au début du siècle, leur gloire révolue.
Un plan de Vieux-Condé datant de 1868 témoignait toujours du tribut que la ville devait au patient et dur labeur des « défricheurs » de la houille, puisque le document traduit les rues A. France, N. Bouliez, H. Durre en Chemins du Gros Caillou, de l'Écarlate, du Plaquy, soit autant de noms évocateurs d'histoire minière, dont Vieux-Condé est pétri.
La poésie n'en avait pas pour cela perdu son prestige, car la rue Carnot, menant à Wiers, n'était autre en 1868, que l'idyllique « Chemin des Amoureux », où une dizaine d'exploitations agricoles semblent encore justifier son caractère agreste.
Le 1er juin 1874, le Chemin de fer des Mines d'Anzin, nouvellement prolongé, inaugurait le transport des voyageurs jusqu'à Vieux-Condé. En ce 19ème siècle finissant, les mineurs chantaient, à la gloire, de Sainte-Barbe, un couplet familier mais pas irrévérencieux :
« V'là aujord'hui chint ans
Qu'in a trouvé Sain'Barpe au fond... »
Le 25 août 1914, l'invasion était un instant stoppée, à l'entrée de Vieux-Condé, par le 26ème Territorial. Plusieurs maisons flambaient au cours du combat. Au recensement de 1946, 9.008 personnes vivaient à Vieux-Condé, qui en réunissait 10.425 en 1054. En juillet 1958, une nouvelle mairie était construite, à l'usage des 12.021 habitants, que la ville comptait en 1959. Et la progression démographique se poursuit. Elle semble due, d'abord, à la modernisation de la Fosse Ledoux, devenue puits de concentration, et ensuite à la création d'industries nouvelles : automobile, matières plastiques.
L'hiatus, qui séparait France et Belgique, se couvre peu à peu d'habitations. Plus de 5.000 personnes constituent, actuellement, le long de la frontière et près de Bonsecours, une agglomération pour laquelle l'édification d'une Chapelle de 450 places a été édifiée.
Et sur un territoire de 1106 Ha, respirent habituellement, en 1961, environ 13.000 humains, faisant à Vieux-Condé l'une des huit plus grosses communes de l'Arrondissement de Valenciennes. Longtemps, terrils, chevalements, hautes cheminées ont dressé leurs silhouettes, au-dessus des champs que verdit la betterave, que dore le blé ou qu'embaume le foin.
Ainsi l'industrie et l'agriculture ont présenté et présentent encore - puisque plus de 40 exploitants continuent de travailler la terre vieux-condéenne - le riche contraste de leurs activités complémentaires. Toutes deux ont contribué à l'heureuse et harmonieuse destinée du pays. 

F. Dupire